Être soi quand tous ne sont plus eux-mêmes
Comment on peut être soi-même quand tous ne le sont plus ? Comment même vouloir être soi-même quand la norme est de devenir tous conformes ? Qu’est-ce que c’est être Soi ? À quoi cela peut bien servir, si ce n’est pour nous créer des problèmes avec autrui ? Y a-t-il un sens à être soi dans un monde dans lequel tous veulent finir pareil ?
Toutes ces questions sont un fleuve dont chacune représente une rivière qui s’y déverse sans cesse. Les suivre, une par une, peut nous amener dans le courant tonitruant de son flux rafraichissant, puisqu’il peut nous permettre de redécouvrir le sens de Soi. Commençons par suivre un mouvement simple, un flux qui montre pourtant tout son contre-courant.
Comment on peut être soi-même quand tous ne le sont plus ? Comment suivre le flux de son être quand le flux des autres est sans cesse à contre-courant ? Le contre-courant est-il alors obligatoirement la dynamique de l’être ? S’y confronter nous servirait à faire émerger notre être ?
D’autres questions qui ne sont pas là pour nous perdre, mais tout au contraire pour nous éclairer de ce que nous ne voyons peut-être pas encore. Les questions ne sont-elles pas un contre-courant à tout ce que nous comprenons pour nous permettre de nous ouvrir à ce que nous ne comprenons pas encore ?
Ainsi, il n’y aurait que des courants que l’on suivrait ou pas. Il y aurait des courants de mêmes directions comme d’autres courants, mais qui iraient contre nos propres courants. Dans tous ces courants, est-on réellement au courant de là où l’on va ou finalement, suivons-nous seulement le mouvement habituel ?
Nous sommes obligés, au commencement de notre vie d’ici-bas, de suivre le flux habituel puisqu’il nous porte tous. C’est le mouvement même qui nous permet d’évoluer ou sûrement aussi d’involuer… en tout cas, il est la dynamique qui nous pousse à devenir autre… et l’autre, c’est ce que nous sommes tous devenus !
Cette dynamique est soit extérieure, c’est ce que nous vivons tous au début, soit intérieure, c’est ce que nous pouvons vivre ensuite si seulement, nous arrivons à comprendre ce qui se passe réellement en soi. De l’un à l’autre est normalement le mouvement utile à notre être, mais peu le découvrent concrètement.
Tant que l’on reste dans la perception extérieure de notre vie, c’est le mouvement extérieur qui nous poussera à murir et à grandir. Comme tout ce qui est extérieur reste illusoire, la maturation extérieure, reste un leurre qui nous pousse à suivre et à exister à travers une forme illusoire à soi.
C’est ce courant et cette forme chimérique qui perd tous les êtres à faire et vouloir tout en rapport avec ce flux extérieur. C’est ce mouvement qui conforme les êtres, qui les pousse vers les mêmes illusions et devient alors, sans cesse pour tous, une voie de perdition.
Quand l’être se confronte à cette illusoire et qu’il commence à s’apercevoir de toute sa fausseté, alors il est prêt à suivre d’autres courants qui seront différents, mais encore extérieurs à lui. Ainsi, à force de se confronter à tous leurs côtés illusoires, ils l’amèneront obligatoirement, s’il ne s’arrête pas en si bon chemin, à une prise de conscience. Elle se déroule inexorablement par l’ouverture de son flux intérieur, puisque c’est là que siège toute sa vérité, et donc toute son authenticité.
Le mouvement intérieur va contrebalancer le flux extérieur qui alimentait la forme illusoire de son personnage. C’est cette dynamique qui va doucement fissurer la forme de toutes ces illusions afin de commencer à expérimenter son propre flux de révélation.
Comment même vouloir être soi-même quand la norme est de devenir tous conforme ? Quand on s’ouvre au flux intérieur, on comprend que la norme du flux extérieur est un contre-sens pour soi, alors, on ne cherche plus à se référer à cette dynamique extérieure, tout au contraire, on apprend à se baser exclusivement sur son propre mouvement intérieur.
C’est seulement comme cela que l’on peut découvrir : qu’est-ce que c’est qu’être soi ! Soi, n’existe pas dans la réalité ordinaire puisqu’il est ce qui permet la réalité ordinaire. Plus on s’ouvre au flux intérieur, plus on en fait l’expérience et plus on comprend que toute notre vie, on s’est perdu dans des illusions fécondes.
Alors prenant conscience de toutes ces illusions extérieures comme intérieures, on cherche là où finalement, il n’y a plus d’illusion. Le vide permet de clarifier l’illusoire de notre vie puisqu’il nous soumet à l’expérience de notre réalité essentielle. Plus on s’ouvre au vide et plus le vide éclaire tout l’illusoire de notre vie.
Dans le vide, il n’y a plus de problématique, il n’y a que les solutions qui émergent d’elles-mêmes ! Dans le vide, le plein perd de sa consistance, de sa pesanteur et donc de sa réalité puisque le vide nous élève toujours plus. Plus on s’élève, et plus on sort littéralement des domaines qui créent les problèmes, et les solutions se trouvent alors d’elles-mêmes puisqu’elles germent littéralement de Soi.
C’est pour cela, qu’il n’y a rien à faire dans ce monde, si ce n’est comprendre tout l’illusoire qui nous pousse pourtant à faire constamment afin que l’on s’y perde sans cesse. C’est un des paradoxes les plus terribles, car tant que l’on n’expérimente pas le vide, on ne peut le comprendre puisque pour le comprendre, on doit s’ouvrir à une autre dimension de l’être qui dépasse toutes les dimensions du personnage et donc du mental qui le contient sans cesse.
Finalement, y a-t-il un sens à êtres SOI quand tous ne sont que moi ? C’est réellement, là, tout le sens à comprendre dans tout ce que l’on vit tous les jours ! Si on comprend notre existence seulement par rapport au moi, alors en effet, il ne peut y avoir aucun sens à vivre cette vie puisqu’elle est totalement illusoire.
Mais si on entrouvre en soi une réalité plus grande que celle qui nous y enferme, alors le sens d’être Soi à nouveau devient l’ultime expérience à vivre, car elle seule peut nous donner accès à ce qui est réel, authentique et donc utile à notre vie. Ainsi, il y a en nous toujours ce qui nous dépasse, nous transcende et donc nous pousse à aller toujours plus loin que là où on se croit être. C’est peut-être cela qui, quand on le découvre, nous ouvre la porte à ce qui est sans cesse plus grand que SOI.