Spectateur du monde et acteur de l’illusoire
Ce monde nous apprit à devenir totalement passifs. Immobile devant le spectacle incessant qu’il nous projette, nous nous alimentons de toutes ses histoires et elles nous programment à vivre seulement d’une certaine manière. Cette manière toute particulière nous impose d’exister uniquement dans cette passivité outrancière.
Cette passivité est voulue puisqu’elle nous pousse insidieusement à nous enfermer dans toutes nos projections qui alimentent alors un ersatz de réalité dans laquelle nous restons conscrits, en attente, comme un entre deux qui jamais ne finit, mais qui jamais ne commence aussi. Nous sommes comme dans un élan, mais qui ne va nulle part, qui reste dans la tête, mais qui n’engendre rien d’autre que les émotions qui réagissent aux pensées vagabondes.
La seule manière d’émerger de cet entre-deux et finalement de cette passivité acquise est de prendre conscience que le monde dans lequel nous vivons est totalement illusoire. L’irréel extérieur s’immisce en nous, tout en nous remplissant sans cesse dans l’irréel de toute notre intériorité, et nous nageons alors seulement dans une réalité qui n’existe nulle part autre que dans notre tête.
Tant que nous prendrons pour réelle cette illusion, nous ne pourrons pas passer de ce monde chimérique, intérieur et mental vers la redécouverte du monde réel et extérieur. En effet, cette illusion interfère tout le temps avec nos propres choix comme avec nos propres désirs, nous ramenant sans cesse dans la projection de tout ce qui n’existera jamais.
Ainsi, passifs, immobiles, nous ne pouvons plus vivre que dans la projection mentale de tout ce qui n’existera jamais et nous coupe ainsi d’une expérience authentique de notre vie. Cette passivité impose obligatoirement une surexploitation mentale qui nous illusionne encore plus, tout en nous enfermant aussi totalement dans l’expression constante de toutes nos chimères mentales.
Nous sommes tous des chimères, des êtres hybrides, puisqu’en nous vivent des réalités sans cesse fantomatiques où toutes nos pensées, tels des fantômes, hantent des lieux inconnus, créant des vertiges incongrus comme des envolés abyssales. Nous sommes là sans être là et dans cette absence, tout s’élance à tout-va et sans jamais y revenir pourtant.
À cause de l’absence du dedans, tout le spectacle du dehors nous hypnotise ! il nous programme à ne jamais plus pouvoir vivre sa vie, mais à vivre mentalement toutes les vies que nous désirons dans tous les spectacles que nous regardons. Nous ne faisons que regarder et dans cet état d’expectative, nous ne sommes plus les acteurs de notre vie, mais des spectateurs muets que l’on alimente sans cesse à travers des désirs qui proviennent de tous ces écrans de malheur.
Le monde est fou, mais tant que les êtres seront immobiles et passifs, ils resteront alors spectateurs de la vie des autres, puisqu’ils seront à jamais perdus face aux illusions qui les alimentent tout en créant en eux des mondes tout autant illusoires. Ce monde est réellement le siège de l’illusion absolue et l’être, perdu dans tous ces courants illusoires, n’est plus en capacité de faire quoi que ce soit d’autres que de regarder bêtement tout ce qu’on lui donne.
Il n’est plus homme ! Il n’est plus femme ! Il est ce qu’il regarde, il est le vide absolu de tout ce qui se montre. Il n’est plus, puisqu’il n’est plus en possibilité de se lever de toute son immobilité et passivité acquise. Il ne sait plus vivre autrement que comme ça…
Il est perdu dans un flot illusoire, extérieur comme intérieur, et dans ces flux et reflux chimériques, il suit le courant que crée le système, et agit et vit seulement parce qu’il reçoit. L’être n’est plus un être libre, l’être devient comme une machine, un rouage et donc il se transforme en outil que le système utilise comme il le souhaite. L’être n’est plus capable d’être libre puisque tout est faux et comme toute cette fausseté est prise pour seule base de sa réalité et il ne sait finalement réagir qu’à cela. Cela devient alors tous les fils de toute sa manipulation extrême.
L’être est alors esclave de l’illusion extérieure parce qu’il y adhère intérieurement. Il ne peut plus penser par lui-même, il ne peut plus agir par lui-même parce que le système a réussi à interférer avec tout son processus naturel. Toute sa souveraineté légitime a été transférée au système et ainsi, il n’est plus maitre de sa destinée ni maitre de sa vie. L’être ne vit plus personnellement, il vit collectivement, en ruche, et donc interconnecté avec tous à travers un flux de données sans cesse partagé par tous.
Il est le monde puisque le monde vit en lui. Tant qu’il n’aura pas digéré le monde extérieur, il ne sera pas en capacité de digérer son propre monde intérieur qui provient de la structure extérieure. C’est seulement ainsi qu’il comprendra l’intégration de tout l’illusoire qui le manipule et quand il aura enfin compris, il deviendra plus grand et plus fort que le monde, puisqu’il l’aura terrassé en lui.
Il deviendra alors l’univers même puisqu’il est déjà cet univers, mais comme il n’avait pas encore intégré son monde, il ne pouvait que l’affronter et donc le projeter afin de pouvoir le comprendre pour le dépasser ensuite. Tant qu’il restera passif face à sa propre vie, il vivra seulement dans toutes ses projections illusoires et il restera alors circonscrit à son champ mental qui l’empêchera de comprendre qui il est. Puisqu’il vit seulement dans tout ce qu’il n’est pas, mais par contre comme il y croit, il se perd alors dans les reflets de tout ce qu’ils projettent.
Tout se projette sans cesse de lui et tant qu’il n’entreverra pas tout ce qui provient de lui, il restera enfermé puisque divisé à croire que ce qu’il vit est réel. Rien n’est réel, mais tout est là pour apprendre à l’être, et donc à se comprendre vraiment. Ainsi, ce qui est réel pour lui, c’est de comprendre que tout est là pour qu’il comprenne comment il fonctionne et donc comment il peut arriver à agir concrètement dans sa vie.
Finalement, il est là pour vivre dans le monde concret et plus dans sa tête, car elle le perd à vivre une vie qui n’existe pas. Il est face à lui-même sans cesse et dans ce face-à-face, tout est là pour l’aider, mais il doit apprendre à comprendre le sens de ce qui se joue de lui comme de ce qui se joue en lui.
C’est tout le sens du non-sens de ce monde, car tant que l’on ne le comprend pas, il reste une prison dans laquelle l’être ne peut plus rien faire d’autre que ce que le système le pousse à faire. Ainsi, tout ce qu’il fera sera toujours contre lui-même et contre les autres, puisqu’il ne comprend pas encore que le système se joue de lui.
Il est temps d’affronter le monde en faisant front à son propre monde pour commencer enfin à vivre pour SOI. Tant que l’on n’affronte pas le monde, on vit finalement pour le monde, et ce monde ne vit pas pour SOI, mais uniquement pour tous des « MOI » qui se croient tous différents, mais qui pourtant sont tous ancrés dans une même entité collective qui les dévore à petit feu. C’est cela le vrai contrat social de ce monde.