A la tombée de la nuit de nos vies

A la tombée de la nuit de nos vies

Nous sommes tous dans un rêve, dans le rêve de notre vie. Je ne sais pourquoi, mais le monde entier a complétement oublié qu’il rêvait. Ils ont tous perdue de vue la saveur de leur rêve, puisqu’il n’y a plus de place, ni d’espace en eux pour juste pouvoir le gouter. Le monde a oublié ses rêves, pire, il a oublié que tout ce que nous vivons est tissé dans l’étoffe des songes de nos cœurs.

Sans ce savoir, sans cette clé de floraison, le monde devient si terne, si pâle que tout se transforme et devient de plus en plus aigri. A force, il n’y a plus de place pour l’imprévue, pour la fantaisie, pour ce qui sort de l’ordinaire. Il n’y a plus de jeux, plus de rire et le monde alors tombe de plus en plus dans le pire de tous ses travers, car il se prend bien trop au sérieux.

Dans ce monde d’adulte et de grand, nous sommes tous devenus dépendants du non rêve, de la non-vie, et inévitablement l’ennui nous entraine à pas de géant à ne plus pouvoir avancer réellement.

Nos nuits sont nos jours et nos jours sont nos nuits. Nous vivons sans cesse les hauts et les bas de l’inversion. Le jour, nous subissons sans cesse nos vies, et sans plus d’espoir que de finir la journée pour enfin se retrouver chez soi et s’oublier en vain dans la chaleur de nos nuits.

Nous remplissons nos vies, non plus d’espoirs et de rêves, non, seulement d’envies et de désirs, toujours plus alimentés par tous nos écrans de malheur. Nous sommes enfermés dedans, car nos vies, nous les vivons uniquement à travers tout ce que nous regardons ou peut-être tout ce qui nous regarde. À vous de voir…

À la tombée de la nuit de nos vies, les images extérieures et les histoires du monde du dehors nous nourrissent tout en remplaçant, hélas, tout l’espace de nos rêves. Il n’y a plus de rêve en soi, seulement un flot continu d’images qui nous nourrit d’une vie inutile et sans intérêt réel pour ce qui est important, car l’absence de sens remplie terriblement bien son œuvre.

Faire du rien et rien de plus ! Ce monde dans lequel le rien est devenu la norme, sans attente de vivre mieux, non, seule l’attente d’assouvir de pales désirs dans l’espace d’un temps éphémère et fuguasse, pour que nous puissions enfin, nous nourrir d’un plaisir tout aussi instantané. Le monde du tout de suite, ou du rien sans cesse, nous entraine dans sa toute-puissance. La puissance du rien et de l’inutile est là, et son emprise est totale, car insidieusement exclusive.

Voilà toute la flamboyance de notre monde. Il brille de toute part, mais d’une lumière inutile, ou du moins d’un éclat qui attire, qui prend et qui ne rend plus. Ce monde nous mange sans cesse, nous sommes l’aliment de cette réalité et nous ne voyons que du feu.

Ce feu, c’est nous qui brulons sans cesse dedans, mais nous ne le sentons pas. Nous sommes devenus insensibles, car aveugle au rêve, sourd au vivant, et inexorablement, muet, nous ne pouvons que le rester. Plus rien à dire que ce que l’on nous montre, plus rien à partager que ce que l’on désire. Nous sommes pris au piège de cet abysse infernal et nous brulons notre vie au temple de l’anathème.

Pourtant, le rêve appelle sans cesse, du fin fond de nos nuits ! Il nous parle tout bas, il essaye de nous montrer tout l’effroi de cette folie ambiante. Derrière l’éblouissante fausse image de tous ces maux, d’autres mots arrivent peu à peu, pour ceux qui essayent coute que coute de sortir de ce piège infernal.

Et voilà que les pétales du rêve s’expansent, une odeur suave éclot, et une plante infinie de vie s’exprime :

« Être de la nuit, écoute ce chant, il est là pour toi, pour t’éveiller à nouveau au songe de ta vie. Tout est là, mais rien ne se voit, car tu ne vois que la toute brillante illusion qui te sert de pâture au monde d’autrefois.

Tu es enfermé dans l’hier et sans cesse, tu y retournes parce que tu ne connais plus que ça. Ta mémoire te joue un merveilleux tour et ce tour t’enferme dans l’espace de ce monde fallacieux. Il y a là en toi, une image, une histoire qui t’entraîne et dans son mouvement, tu ne peux que tourner en rond.

Là, regarde ce mouvement, il est tout ce que tu vis et comme tout bouge, tu crois vraiment faire quelque chose, alors que tu ne fais rien. Non, plus rien de réel persiste en toi, seulement un irréel mouvement qui t’empêche de découvrir que tu vis dans le monde de l’avant, de l’hier et donc dans les annales d’idées chimériques.

Moi, le rêve, je vis seulement dans toute la présence du maintenant, mais seras-tu attraper en plein vol, l’idée qui cherche par tous les moyens de te montrer toute l’absence de ce que tu vis. Là où tu es, sans cesse absent de toi-même, existe un lieu et un temps tout autant imaginaire qui t’entraine à croire que tout ce que tu vis est important, primordial et même vital.

C’est vital en effet, mais pas pour toi, nous vivons seulement pour cette illusion de vie qui te mange sans cesse tous les jours. Ce mets sage est là pour que tu rouvres un espace en toi afin de retrouver une voie plus sage, car seule la sagesse peut t’amener au soleil de ton être.

Cette lumière-là ne provient pas de ce monde inversé où tu te trouves encore et encore. Non, écoute-moi bien, ce corps céleste provient du monde de dedans, là où fleurissent tous les rêves qui ont permis de donner vie à tous les mondes du dehors.

Dehors, tu ne verras rien de vrai si ce n’est tout le faux qui s’habille dans l’éclat de lumières abyssales. Ces lumières n’éclairent pas, non, elles sont là pour s’alimenter de toi, pour te manger toujours plus, car tu es le mets délicieux de dieux infernaux. Ces êtres divinement inversés ont besoin de toi parce qu’ils ont faim de toi. Comprend bien ici que leur faim est ta propre fin.

Ceci est le commencement de l’œuvre, de ta véritable œuvre, puisque tant que tu ne comprends pas leur faim, tu resteras sans cesse anéanti dans l’illusion qu’ils engendrent. Tout ce qu’ils génèrent est sans fin, va au-delà des maux qui te guettent et suit les sens de tout ce que tu es. Voilà le chemin de tes rêves et ils te poussent sans cesse à fleurir, à éclore, à sortir des méandres furieux qui te guettent. »

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